Transpositions, reprises, adaptations
        dans les séries télévisées américaines et européennes

Journée d'études le 11 juin 2012,  Maison de l'Université de Rouen

Résumés des communications



Billard Gérald et Brennetot Arnaud. En Friday Night Lights : d’Odessa à Dillon, Texas for Ever !

        Depuis l’ouvrage de H. G Bissinger publié en 1990, en passant par le film éponyme sorti en 2004, jusqu’au dernier épisode de la série diffusé sur NBC le 9 février 2011, Friday Night Lights (FNL), ne cesse de revisiter depuis 20 ans un mythe socio-spatial fondateur des États-Unis : la small town. À l’heure de l’avènement des métropoles multimillionnaires et de leurs modes de vie sophistiqués, cette chronique d’une petite ville du Texas, de ses lycéens et de ses habitants vivant au rythme des matchs de football du vendredi soir, détonne. Cependant, FNL, avant de devenir l’une des séries les plus plébiscitées par la critique, a opéré une étonnante relocalisation géographique, de la petite ville d’Odessa (livre et film) à celle de Dillon (série). Si dans les deux cas, l’immensité, l’isolement, voire le désœuvrement, de cette partie occidentale du Texas pèse sur l’ambiance visuelle et sociale de la narration, Dillon, contrairement à Odessa, est une small town fictive. Cette communication, en comparant particulièrement le film (2004) et la série (2006-2011), a pour objectif d’analyser ce glissement de lieu qui contribue incontestablement à accentuer l’empathie vis-à-vis de ce Texas ordinaire, en s’affranchissant, par là même, d’une réalité loin de celle idéalisée dans la série.


Cabaret Florence, « La figure du ‘jeune musulman’ dans Skins et sa version américaine »

    Souvent décrite comme un divertissement sulfureux (parce qu’elle est en partie consacrée aux frasques et soirées mouvementées d’adolescents britanniques), la série Skins de Jamie Brittain et Bryan Elsley (E4, 2007-2012) se trouve aussi très ancrée sociologiquement dans la ville contemporaine de Bristol et dans les mœurs qui caractérisent les dix principaux personnages. Si, donc, la série propose une représentation des modes de vie de certains jeunes au Royaume-Uni dans la deuxième moitié des années 2000, elle interroge aussi le choix des individus qui composent le groupe d’amis par les créateurs de ce programme de fiction télévisée. Ainsi, dans un groupe majoritairement blanc issu de la classe moyenne, on trouve également une jeune métisse joueuse de clarinette (d’ascendance afro-caribéenne) et un jeune musulman (d’ascendance indo-pakistanaise). Tous deux incarnent visiblement à l’écran les deux communautés issues de l’immigration de la deuxième moitié du XXème siècle au Royaume-Uni, dont l’une est l’objet d’une attention et d’une surveillance plus spécifique depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et du 7 juillet 2005 à Londres.
    C’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement au personnage d’Anwar Kharral, pour interroger la manière dont la Saison1 met en scène son appartenance religieuse en la confrontant à ce qui semble être des questions morales et intimes plus qu’à des questions explicitement politiques. Je chercherai à savoir en quoi ce déplacement vers des sujets ressortissant plutôt de la sphère privée et communs à l’ensemble du groupe permet, d’une certaine manière, une perception fictionnelle de ce jeune musulman à l’égal des autres, dans une société britannique au multiculturalisme optimiste –comme Hanif Kureishi pouvait souhaiter le faire quand il participait en 1993 à l’adaptation pour la BBC de son roman The Buddha of Suburbia (1991), et malgré les vingt ans d’écart qui ont nettement infléchi un tel idéal de société. La comparaison de cette figure britannique de ‘jeune musulman’ avec la transposition de son personnage dans la version américaine de la saison1 (2011, MTV) permettra de dire si les mêmes choix d’intégration ont été retenus par Bryan Elsley et en quoi le contexte américain a pu influencer certains changements dans la caractérisation du personnage d’Abbud Siddiki et dans les relations qu’ils entretient avec les autres. Haut de page


Durot-Boucé Elizabeth, « ‘Son dernier coup d’archet’,  de Holmes à Sherlock : rupture et continuité »

    Sherlock Holmes, le célèbre détective de Sir Arthur Conan Doyle, est l’un des rares personnages de fiction à avoir atteint le statut de mythe. Il a été l’objet de nombreux pastiches et parodies depuis plus d’un siècle et cet engouement peut s’expliquer par le besoin de trouver des héros dans un monde de plus en plus matérialiste qui en manque cruellement. Si le 221B Baker Street est toujours le destinataire d’un abondant courrier de gens en détresse réclamant l’aide du célèbre détective, c’est que la légende s’est faite homme et que la frontière entre fiction et réalité s’est effacée. Les nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision des romans et des nouvelles de Conan Doyle ont jusqu’ici été principalement maintenues dans l’atmosphère du Londres victorien. La dernière adaptation, par Steven Moffat et Mark Gatiss, diffusée pour la première fois à la BBC en juillet 2010, change radicalement en transposant l’action et les personnages dans le Londres du XXIe siècle. Le célèbre détective, toujours à la pointe de la recherche scientifique, résout ici les énigmes les plus mystérieuses mettant Internet et les technologies modernes comme le téléphone portable au service de ses extraordinaires facultés d’observation et de déduction. S’adaptant aux changements de société, Sherlock a troqué sa pipe pour des patchs de nicotine et sa relation avec Watson a gagné en profondeur, en inter-dit. Le titre même du premier épisode de la saison1 (« A Study in Pink »), reprenant la toute première aventure de Holmes (A Study in Scarlet) est bien significatif à cet égard. Irrévérence, modernité, innovation formelle, certes mais surtout réécriture respectueuse et adaptation brillamment réussie, l’alchimie entre les partenaires mythiques fonctionne bien davantage ici. Cette nouvelle version illustre de façon magistrale l’éloge de la différence (Sherlock apparaît souvent comme un psychopathe à la limite de l’asperger) et la leçon d’optimisme qui sont au cœur du Canon holmesien. Je me propose, en procédant à une étude comparative des aventures originales de Conan Doyle et de leur transposition dans les trois épisodes de la saison1 de Sherlock, de démontrer la pertinence d’une version nouvelle et inédite d’un texte culte, « Canonique », d’évaluer sa place dans l’univers télévisuel contemporain, par les résonances d’autres séries (Steven Moffat et Mark Gatiss sont tous deux scénaristes de Doctor Who) et par les échos de l’actualité qui y résonnent (Watson rentre invalide d’une guerre ingagnable) afin de déterminer quelle vision du monde et de la société se trouve promue par la série.   Haut de page


Hentea Marius and Trogrlic Elise, “The Janus face of adaptation : David Simon’s Homicide”

    David Simon’s first immersion into television was as a writer, occasional producer and guest actor for Homicide, a police procedural set in Baltimore and aired on NBC from 1993-1999. In this paper, we would like to explore Homicide as the source of two radically different offshoots, Simon’s critically-acclaimed The Wire and the ever-popular Law and Order. A number of actors and characters found in Homicide make appearances in Simon’s later work: Clark Johnson in The Wire, Melissa Leo in Treme, while detective John Munch in Homicide is the direct source for the Law and Order character. Homicide is even more interesting when considering that it was itself an adaptation of Simon’s book on the Baltimore Homicide Department, Homicide : A Year on the Killing Streets (1991). Studying both the book and the television series, we aim to show that Homicide can be construed both as a model for Simon’s later body of work as producer with HBO as well as a case study of the constraints of network television. While Homicide’s narrative tone and attention to the complexity of the urban space were key sources for The Corner and The Wire, the network production values and the genre of the police procedural sanitized the deep-seated social commentary found in both Simon’s book and his later HBO productions. Unable to develop a ‘longue durée’ because of its largely ‘case of the week’ format (although we do note that the first series of Homicide contains a more hybrid model, using a case-of-the-week format paralleled with a single case spanning the entire season), the television series Homicide nonetheless proves to be a critical source for Simon’s evolution into an indefatigable recycler of Baltimore’s stories.   Haut de page


Marquis Peter, « La Reprise dans Treme »

    La série Treme, réalisée par David Simon et produite par HBO (comme The Wire), n’en est qu’à sa deuxième saison, mais l’on peut déjà déceler un motif récurrent, celui de la reprise, entendue de trois manières.
    Reprise musicale, d’abord, puisque la série regorge de scènes d’enregistrement ou de concert, où les protagonistes, la plupart des musiciens de jazz et de funk, reprennent, souvent en les réinterprétant, des standards de ces musiques. Plus encore, au sein même des airs joués, les thèmes, ou riffs, sont repris, avec ou sans variation, au bout d’un certain nombre de mesure. Ces airs connus de tous fournissent à la fois la toile de fond d’un référentiel commun – à la fonction parfois folklorique –, mais aussi le sujet d’un questionnement sur l’authentique et le touristique, le neuf et l’ancien, le vivant et le mort.
    La reprise dans Treme est aussi extradiégétique dans la mesure où la série puise son matériau des évènements qui ont suivi l’ouragan Katrina d’août 2005. Ouvertement critique de l’inaction de l’Etat fédéral et du gouverneur Nagin face au désarroi des populations, Treme recycle images d’archives et controverses bien réelles pour proposer une lecture – standard ou originale ? – des rapports entre dominants et dominés dans la ville américaine contemporaine. À un deuxième niveau, la reprise fonde la réception de la série puisque, pour le spectateur amateur des œuvres de David Simon, Treme ne peut se voir sans écho à The Wire, dont le réalisateur a volontairement réengagé la majorité des comédiens. Outre le plaisir de la reconnaissance, cette reprise trace un continuum entre la situation à Baltimore et celle de La Nouvelle-Orléans, créant un effet d’œuvre.
    Enfin, la reprise fonctionne comme un motif au sein de la narration elle-même, et ce à trois niveaux. Premièrement, le thème de La Nouvelle-Orléans comme ville à l’histoire cyclique (ouragans de 1927 et 1964, cycle de la mainmise de la mafia sur la ville, etc.). Deuxièmement, le propos selon lequel l’ouragan aurait servi de prétexte à une élite blanche pour « reprendre » en main cette ville à ses yeux trop métissée, musicale, marginale. Enfin, la métaphore de la reprise au sens de « repriser un vêtement », figurée par les vies rapiécées d’Antoine Batiste, Davis Janette Desautel ou McAlary. La reprise se fait même suture, sur le visage tuméfié de LaDonna Batiste-Williams, battue par des délinquants à la porte de son bar.
    Une des problématiques de cette communication sera de questionner les liens entres ces trois avatars de la reprise, mais aussi de la faire discuter avec les notions, a priori contradictoires, de circularité ou de sérialité, constitutives de l’œuvre de fiction et de ce genre en particulier.    Haut de page


Quivy Mireille, « ‘Catch me if you can’ : une approche métafictionnelle du scénario de Dr Who »

    Série-culte s’il en est, Doctor Who voyage dans l’espace-temps depuis 1963. Tout au long des errances du Doctor, la série donne à voir des rencontres particulières avec des créatures fantasmatiques, des robots surannés aux allures de flippers verticaux, mais aussi avec bon nombre de personnages historiques qui participent de la création d’une time-line référentielle puisant sa source dans l’univers devenu parallèle du réel. Au hasard d’un voyage du Tardis, Agatha Christie, La Reine Victoria, Van Gogh, Churchill renaissent à l’écran pour quelques instants, pour participer activement de la trame scénaristique.
    Mais l’histoire est aussi parfois vue se créant sous nos yeux. Pour témoin, cette bande annonce de 2012 qui met en scène le personnage du Doctor en quête d’inspiration. Comme une Mrs Brown ou une Minnie Marsh, le Doctor apparaît sur l’écran blanc de la fiction à naître, vide de tout contexte, de tout horizon, parfois même hors-champ.
    Nous verrons comment au travers de ces images initialement destinées à un jeune public se développe une esthétique du personnage et de la création fictionnelle qui n’est pas sans rappeler les essais métafictionnels de V. Woolf.
    La référence peut ainsi se décliner de plusieurs façons : référence diachronique à la trame événementielle historique, référence synchronique à la langue d’une époque revisitée, référence à une pensée qui se propose de désécrire l’univers de la fiction et de saisir le « moment » de sa création, pensée en quête d’épiphanie.
    Doctor Who se définit alors comme un entrecroisement d’univers déjà-là, présents, virtuels, ou en puissance, une constellation de références à revisiter ou à découvrir dans cet intérieur fictionnel bien plus vaste que ne le laisse supposer son extérieur convenu.
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Vicente Lozano José Antonio, « Cuéntame cómo pasó : souvenirs, souvenirs ! Mémoire, parole et musique retrouvées »

    La série espagnole Cuéntame cómo pasó est sans doute la série la plus populaire de tous les temps diffusée en Espagne. Avec pas moins de treize saisons et 220 épisodes, au jour d’aujourd’hui, elle constitue une vraie réussite pour la chaîne publique TVE 1 (l’audimat donne un taux moyen d’environ cinq millions de téléspectacteurs, depuis la diffusion du premier épisode en 2001). À une époque où une partie de l’Espagne veut rester amnésique pour les événements vécus entre 1936 et 1960, la série traite d’une période assumée de façon consensuelle, coïncidant avec ce que l’on appelle « la transition », qui va des dernières années du tardo-franquisme à la naissance de la démocratie, sous forme de monarchie constitutionnelle, que nous vivons actuellement. Pour l’heure, le temps diégétique s’étale d’avril 1968 jusqu’en octobre 1979,  rythmé par les tubes de l’époque, les paroles des personnages et des souvenirs partagés avec une bonne partie du public contemporain. Le titre  reprend en partie le refrain de « The Speak up Mambo » (1976, du groupe Manhattan transfert) et la chanson « Cuéntame (cómo te ha ido) » (1969, du groupe madrilène Formula V), qui accompagne les génériques. Nous verrons ici comment de nombreux éléments sont entremêlés au fil des saisons, avec l’incursion aussi d’éléments extradiégétiques, comme les chansons elles-mêmes, les images d’archives et les témoignages directs de personnages historiques qui vont aussi faire irruption dans la série. Une attention particulière sera portée aux différents types de discours qui réactivent la mémoire et se répondent dans les paroles des chansons, dans les dialogues et dans les récits présents dans la série.    Haut de page




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Affiches réalisées par le graphiste Maxime Angot - Services Audio-Visuels, Université de Rouen - Conception Web : Florence et Guy Cabaret