Transpositions, reprises, adaptations
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Billard Gérald et Brennetot Arnaud. En Friday
Night Lights : d’Odessa à Dillon, Texas for Ever !
Depuis l’ouvrage de H. G
Bissinger publié en 1990, en passant par le film éponyme sorti en 2004,
jusqu’au dernier épisode de la série diffusé sur NBC le 9 février 2011,
Friday Night Lights (FNL), ne
cesse de revisiter depuis 20 ans un mythe socio-spatial fondateur des
États-Unis : la small town. À
l’heure de l’avènement des métropoles multimillionnaires et de leurs
modes de vie sophistiqués, cette chronique d’une petite ville du Texas,
de ses lycéens et de ses habitants vivant au rythme des matchs de
football du vendredi soir, détonne. Cependant, FNL, avant de devenir
l’une des séries les plus plébiscitées par la critique, a opéré une
étonnante relocalisation géographique, de la petite ville d’Odessa
(livre et film) à celle de Dillon (série). Si dans les deux cas,
l’immensité, l’isolement, voire le désœuvrement, de cette partie
occidentale du Texas pèse sur l’ambiance visuelle et sociale de la
narration, Dillon, contrairement à Odessa, est une small town fictive. Cette
communication, en comparant particulièrement le film (2004) et la série
(2006-2011), a pour objectif d’analyser ce glissement de lieu qui
contribue incontestablement à accentuer l’empathie vis-à-vis de ce
Texas ordinaire, en s’affranchissant, par là même, d’une réalité loin
de celle idéalisée dans la série.
Cabaret
Florence, « La figure du ‘jeune
musulman’ dans Skins et sa
version américaine »
Souvent décrite comme un divertissement sulfureux
(parce qu’elle est en
partie consacrée aux frasques et soirées mouvementées d’adolescents
britanniques), la série Skins
de Jamie Brittain et Bryan Elsley (E4,
2007-2012) se trouve aussi très ancrée sociologiquement dans la ville
contemporaine de Bristol et dans les mœurs qui caractérisent les dix
principaux personnages. Si, donc, la série propose une représentation
des modes de vie de certains jeunes au Royaume-Uni dans la deuxième
moitié des années 2000, elle interroge aussi le choix des individus qui
composent le groupe d’amis par les créateurs de ce programme de fiction
télévisée. Ainsi, dans un groupe majoritairement blanc issu de la
classe moyenne, on trouve également une jeune métisse joueuse de
clarinette (d’ascendance afro-caribéenne) et un jeune musulman
(d’ascendance indo-pakistanaise). Tous deux incarnent visiblement à
l’écran les deux communautés issues de l’immigration de la deuxième
moitié du XXème siècle au Royaume-Uni, dont l’une est l’objet d’une
attention et d’une surveillance plus spécifique depuis les attentats du
11 septembre 2001 à New York et du 7 juillet 2005 à Londres.
C’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser plus
particulièrement au
personnage d’Anwar Kharral, pour interroger la manière dont la Saison1
met en scène son appartenance religieuse en la confrontant à ce qui
semble être des questions morales et intimes plus qu’à des questions
explicitement politiques. Je chercherai à savoir en quoi ce déplacement
vers des sujets ressortissant plutôt de la sphère privée et communs à
l’ensemble du groupe permet, d’une certaine manière, une perception
fictionnelle de ce jeune musulman à l’égal des autres, dans une société
britannique au multiculturalisme optimiste –comme Hanif Kureishi
pouvait souhaiter le faire quand il participait en 1993 à l’adaptation
pour la BBC de son roman The Buddha
of Suburbia (1991), et malgré les
vingt ans d’écart qui ont nettement infléchi un tel idéal de société.
La comparaison de cette figure britannique de ‘jeune musulman’ avec la
transposition de son personnage dans la version américaine de la
saison1 (2011, MTV) permettra de dire si les mêmes choix d’intégration
ont
été retenus par Bryan Elsley et en quoi le contexte américain a pu
influencer certains changements dans la caractérisation du personnage
d’Abbud Siddiki et dans les relations qu’ils entretient avec les
autres. Haut de page
Durot-Boucé
Elizabeth, « ‘Son dernier coup d’archet’,
de Holmes à
Sherlock : rupture et
continuité »
Sherlock Holmes, le célèbre détective de Sir Arthur
Conan Doyle, est
l’un des rares personnages de fiction à avoir atteint le statut de
mythe. Il a été l’objet de nombreux pastiches et parodies depuis plus
d’un siècle et cet engouement peut s’expliquer par le besoin de trouver
des héros dans un monde de plus en plus matérialiste qui en manque
cruellement. Si le 221B Baker Street est toujours le destinataire d’un
abondant courrier de gens en détresse réclamant l’aide du célèbre
détective, c’est que la légende s’est faite homme et que la frontière
entre fiction et réalité s’est effacée. Les nombreuses adaptations au
cinéma et à la télévision des romans et des nouvelles de Conan Doyle
ont jusqu’ici été principalement maintenues dans l’atmosphère du
Londres victorien. La dernière adaptation, par Steven Moffat et Mark
Gatiss, diffusée pour la première fois à la BBC en juillet 2010, change
radicalement en transposant l’action et les personnages dans le Londres
du XXIe siècle. Le célèbre détective, toujours à la pointe de la
recherche scientifique, résout ici les énigmes les plus mystérieuses
mettant Internet et les technologies modernes comme le téléphone
portable au service de ses extraordinaires facultés d’observation et de
déduction. S’adaptant aux changements de société, Sherlock a troqué sa
pipe pour des patchs de nicotine et sa relation avec Watson a gagné en
profondeur, en inter-dit. Le titre même du premier épisode de la
saison1 (« A Study in Pink »), reprenant la toute première aventure de
Holmes
(A Study in Scarlet) est bien
significatif à cet égard. Irrévérence,
modernité, innovation formelle, certes mais surtout réécriture
respectueuse et adaptation brillamment réussie, l’alchimie entre les
partenaires mythiques fonctionne bien davantage ici. Cette nouvelle
version illustre de façon magistrale l’éloge de la différence (Sherlock
apparaît souvent comme un psychopathe à la limite de l’asperger) et la
leçon d’optimisme qui sont au cœur du Canon holmesien. Je me propose,
en procédant à une étude comparative des aventures originales de Conan
Doyle et de leur transposition dans les trois épisodes de la saison1
de Sherlock, de démontrer la pertinence d’une version nouvelle et
inédite d’un texte culte, « Canonique », d’évaluer sa place dans
l’univers télévisuel contemporain, par les résonances d’autres séries
(Steven Moffat et Mark Gatiss sont tous deux scénaristes de Doctor Who)
et par les échos de l’actualité qui y résonnent (Watson rentre invalide
d’une guerre ingagnable) afin de déterminer quelle vision du monde et
de la société se trouve promue par la série. Haut de page
Hentea
Marius and Trogrlic Elise, “The Janus face of adaptation : David
Simon’s Homicide”
David Simon’s first immersion into television was as
a writer,
occasional producer and guest actor for Homicide, a police procedural
set in Baltimore and aired on NBC from 1993-1999. In this paper, we
would like to explore Homicide
as the source of two radically different
offshoots, Simon’s critically-acclaimed The Wire and the ever-popular
Law and Order. A number of
actors and characters found in Homicide
make
appearances in Simon’s later work: Clark Johnson in The Wire, Melissa
Leo in Treme, while detective
John Munch in Homicide is the
direct
source for the Law and Order character. Homicide is even more
interesting when considering that it was itself an adaptation of
Simon’s book on the Baltimore Homicide Department, Homicide : A Year on
the Killing Streets (1991). Studying both the book and the
television
series, we aim to show that Homicide
can be construed both as a model
for Simon’s later body of work as producer with HBO as well as a case
study of the constraints of network television. While Homicide’s
narrative tone and attention to the complexity of the urban space were
key sources for The Corner
and The Wire, the network
production values
and the genre of the police procedural sanitized the deep-seated social
commentary found in both Simon’s book and his later HBO productions.
Unable to develop a ‘longue durée’ because of its largely ‘case of the
week’ format (although we do note that the first series of Homicide
contains a more hybrid model, using a case-of-the-week format
paralleled with a single case spanning the entire season), the
television series Homicide
nonetheless proves to be a critical source
for Simon’s evolution into an indefatigable recycler of Baltimore’s
stories. Haut de page
Marquis
Peter, « La Reprise dans Treme »
La série Treme,
réalisée par
David Simon et produite par HBO (comme The
Wire), n’en est qu’à sa deuxième saison, mais l’on peut déjà
déceler un
motif récurrent, celui de la reprise, entendue de trois manières.
Reprise musicale, d’abord, puisque la série regorge
de scènes
d’enregistrement ou de concert, où les protagonistes, la plupart des
musiciens de jazz et de funk, reprennent, souvent en les
réinterprétant, des standards de ces musiques. Plus encore, au sein
même des airs joués, les thèmes, ou riffs, sont repris, avec ou sans
variation, au bout d’un certain nombre de mesure. Ces airs connus de
tous fournissent à la fois la toile de fond d’un référentiel commun – à
la fonction parfois folklorique –, mais aussi le sujet d’un
questionnement sur l’authentique et le touristique, le neuf et
l’ancien, le vivant et le mort.
La reprise dans Treme
est
aussi extradiégétique dans la mesure où la
série puise son matériau des évènements qui ont suivi l’ouragan Katrina
d’août 2005. Ouvertement critique de l’inaction de l’Etat fédéral et du
gouverneur Nagin face au désarroi des populations, Treme recycle images
d’archives et controverses bien réelles pour proposer une lecture –
standard ou originale ? – des rapports entre dominants et dominés dans
la ville américaine contemporaine. À un deuxième niveau, la reprise
fonde la réception de la série puisque, pour le spectateur amateur des
œuvres de David Simon, Treme
ne peut se voir sans écho à The Wire,
dont
le réalisateur a volontairement réengagé la majorité des comédiens.
Outre le plaisir de la reconnaissance, cette reprise trace un continuum
entre la situation à Baltimore et celle de La Nouvelle-Orléans, créant
un effet d’œuvre.
Enfin, la reprise fonctionne comme un motif au sein
de la narration
elle-même, et ce à trois niveaux. Premièrement, le thème de La
Nouvelle-Orléans comme ville à l’histoire cyclique (ouragans de 1927 et
1964, cycle de la mainmise de la mafia sur la ville, etc.).
Deuxièmement, le propos selon lequel l’ouragan aurait servi de prétexte
à une élite blanche pour « reprendre » en main cette ville à ses yeux
trop métissée, musicale, marginale. Enfin, la métaphore de la reprise
au sens de « repriser un vêtement », figurée par les vies rapiécées
d’Antoine Batiste, Davis Janette Desautel ou McAlary. La reprise se
fait même suture, sur le visage tuméfié de LaDonna Batiste-Williams,
battue par des délinquants à la porte de son bar.
Une des problématiques de cette communication sera
de questionner les
liens entres ces trois avatars de la reprise, mais aussi de la faire
discuter avec les notions, a priori contradictoires, de
circularité ou
de sérialité, constitutives de l’œuvre de fiction et de ce genre en
particulier. Haut de page
Quivy Mireille, « ‘Catch me if you can’
: une approche métafictionnelle du scénario de Dr Who »
Série-culte s’il en
est, Doctor Who voyage dans
l’espace-temps depuis
1963. Tout au long des errances du Doctor,
la série donne à voir des
rencontres particulières avec des créatures fantasmatiques, des robots
surannés aux allures de flippers verticaux, mais aussi avec bon nombre
de personnages historiques qui participent de la création d’une
time-line référentielle
puisant sa source dans l’univers devenu
parallèle du réel. Au hasard d’un voyage du Tardis, Agatha Christie, La
Reine Victoria, Van Gogh, Churchill renaissent à l’écran pour quelques
instants, pour participer activement de la trame scénaristique.
Mais l’histoire est aussi parfois vue se créant sous
nos yeux. Pour
témoin, cette bande annonce de 2012 qui met en scène le personnage du
Doctor en quête d’inspiration.
Comme une Mrs Brown ou une Minnie Marsh,
le Doctor apparaît sur
l’écran blanc de la fiction à naître, vide de
tout contexte, de tout horizon, parfois même hors-champ.
Nous verrons comment au travers de ces images
initialement destinées à
un jeune public se développe une esthétique du personnage et de la
création fictionnelle qui n’est pas sans rappeler les essais
métafictionnels de V. Woolf.
La référence peut ainsi se décliner de plusieurs
façons : référence
diachronique à la trame événementielle historique, référence
synchronique à la langue d’une époque revisitée, référence à une pensée
qui se propose de désécrire l’univers de la fiction et de saisir le «
moment » de sa création, pensée en quête d’épiphanie.
Doctor Who
se définit alors comme un entrecroisement d’univers déjà-là,
présents, virtuels, ou en puissance, une constellation de références à
revisiter ou à découvrir dans cet intérieur fictionnel bien plus vaste
que ne le laisse supposer son extérieur convenu.
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Vicente Lozano José Antonio, « Cuéntame cómo pasó : souvenirs, souvenirs ! Mémoire, parole et musique retrouvées »
La série espagnole Cuéntame cómo pasó
est sans doute la série la plus populaire de tous les temps diffusée en
Espagne. Avec pas moins de treize saisons et 220 épisodes, au jour
d’aujourd’hui, elle constitue une vraie réussite pour la chaîne
publique TVE 1 (l’audimat donne un taux moyen d’environ cinq millions
de téléspectacteurs, depuis la diffusion du premier épisode en 2001). À
une époque où une partie de l’Espagne veut rester amnésique pour les
événements vécus entre 1936 et 1960, la série traite d’une période
assumée de façon consensuelle, coïncidant avec ce que l’on appelle « la
transition », qui va des dernières années du tardo-franquisme à la
naissance de la démocratie, sous forme de monarchie constitutionnelle,
que nous vivons actuellement. Pour l’heure, le temps diégétique s’étale
d’avril 1968 jusqu’en octobre 1979, rythmé par les tubes de
l’époque, les paroles des personnages et des souvenirs partagés avec
une bonne partie du public contemporain. Le titre reprend en
partie le refrain de « The Speak up Mambo » (1976, du groupe Manhattan
transfert) et la chanson « Cuéntame (cómo te ha ido) » (1969, du groupe
madrilène Formula V), qui
accompagne les génériques. Nous verrons ici
comment de nombreux éléments sont entremêlés au fil des saisons, avec
l’incursion aussi d’éléments extradiégétiques, comme les chansons
elles-mêmes, les images d’archives et les témoignages directs de
personnages historiques qui vont aussi faire irruption dans la série.
Une attention particulière sera portée aux différents types de discours
qui réactivent la mémoire et se répondent dans les paroles des
chansons, dans les dialogues et dans les récits présents dans la
série. Haut de page