Écho et reprise dans les séries télévisées

        TV Series Redux : Recycling, Remaking, Resuming

Colloque international
Les 12-13-14 septembre 2012 Maison de l'Université de Rouen : Salle de conférences

Résumés des communications

Résumés / Abstracts


Barthes Séverine, « Le palimpseste télévisuel : esthétique ‘post-moderne’ ou nécessité industrielle ? »

Dès les années 1950, les séries télévisées mettent en place des systèmes d’échos entre elles, notamment à partir du dispositif du spin-off, qui existait déjà chez les ancêtres de ce type de programme. Mais le mouvement s’amplifie dans les années 1980 où, face à l’émergence du câble, les networks se doivent de trouver de nouveaux moyens de fidéliser leur public. Dans cette perspective, multiplier les échos et les reprises au sein d’une même série, mais aussi entre les différents programmes d’une même chaîne a été un moyen esthétique et narratif de faire face à la nouvelle donne industrielle qui se dessinait.


Bataille Sylvaine, « Borgia en série : variations sur la réminiscence de la Renaissance »

L’année 2011 a vu la diffusion, à quelques mois d’écart, de deux productions internationales à gros budget consacrées à la famille Borgia : The Borgias, série de 9 épisodes produite et diffusée par Showtime du 3 avril au 22 mai, puis Borgia, tournée également en anglais bien que produite par la chaîne française Canal +, qui en a diffusé les 12 épisodes à partir du 10 octobre, dans une version doublée en français. Dans la première, créée par Neil Jordan (le réalisateur, entre autres, de The Crying Game et d’Interview with the Vampire), le rôle de Rodrigo Borgia, qui devient le pape Alexandre VI, est tenu par Jeremy Irons, tandis que le même personnage est interprété par John Doman (que les téléspectateurs ont déjà pu voir dans Oz, The Wire, ou encore Damages) dans la série de Canal +.  Le créateur de celle-ci est l’Américain Tom Fontana, connu pour Oz (HBO, 1997-2003). Dans la mesure où la diffusion de la série de Canal + en France n’est pas encore terminée au moment de la rédaction de cette proposition, je m’en tiendrai ici à quelques pistes de recherche.

Ces deux Borgia me paraissent offrir un terrain d’étude privilégié à la série télévisée comme art de la répétition : non seulement elles redisent chacune l’Histoire en mettant en scène un moment de la Renaissance italienne, mais elles racontent de nouveau une histoire déjà narrée de nombreuses fois, y compris sous des formes sérielles (comme la série télévisée britannique The Borgias produite par la BBC en 1981, mais aussi la bande dessinée en plusieurs tomes dAlejandro Jodorowsky et de Milo Manara). En outre, l’effet de répétition est renforcé par la proximité dans le temps de leur production et de leur diffusion : puisque les deux séries ont des ambitions d’exportation internationale, on peut supposer que de nombreux spectateurs ont eu ou auront la possibilité de les regarder l’une après l’autre, voire quasi-simultanément, en DVD ou à la télévision (ainsi Canal + a acquis The Borgias tandis que la chaîne américaine Netflix a acheté les droits de diffusion de Borgia).

Il s’agira de montrer selon quelles modalités formelles l’une et l’autre procèdent à la reprise du matériau historique, notamment en replaçant les deux séries dans le contexte de leur production, par un auteur particulier et pour une chaîne spécifique, mais toutes deux dans le sillage du succès de la série The Tudors (Showtime, 2007-2010). La reconstruction de la période historique présentée par chacune des séries véhicule des significations idéologiques que j’essaierai de mettre en lumière. Je m’intéresserai également à la concomitance des deux séries : quels échos produit-elle, quelles variations chaque série offre-t-elle sur les thèmes partagés avec l’autre, comme les luttes de pouvoir, les intrigues politiques, la corruption, l’Eglise et la foi, etc. Une telle concomitance risque-t-elle de lasser le public, ou est-elle au contraire à même de lui procurer ce « plaisir de la répétition » (Eco) qui est au cœur de la sérialité elle-même ? Haut de page


Bellenger-Morvan Yannick, «‘Somewhere over the rainbow…’ –(re-)construction élégiaque d’une mémoire collective et populaire : Life on Mars et Ashes to Ashes (2006-2010 - BBC1) »

Les références au monde magique d’Oz qui ponctuent l’ultime épisode de la série policière Life on Mars, diffusée sur BBC1 à partir de 2006, sont autant d’indices invitant le téléspectateur à appréhender l’arrière-plan du récit, le Manchester de 1973, comme un monde secondaire fantastique. La structure de Life on Mars et de sa fausse suite Ashes to Ashes, ancrée dans les années 1980, repose sur la mémoire oublieuse et fautive des héros, se réveillant à l’époque de leur enfance après un violent traumatisme. Ce retour dans le passé, nécessaire au recouvrement de leurs souvenirs perdus, permet aux concepteurs de ces séries de solliciter abondamment la nostalgie des spectateurs : la bande-son fait la part belle aux chansons de l’époque ; les grands et les petits événements de l’histoire britannique sont intégrés aux intrigues et à la construction même des épisodes grâce à des reconstitutions ou à l’utilisation d’images d’archives.

Cependant, les deux séries n’offrent aucunement une chronique fidèle des années 1970-1980 : il s’agit davantage d’une composition expressionniste, réalisée à partir de fragments de la mémoire populaire et collective des Britanniques. La multiplication des gros plans sur les écrans de télévision souligne la fermeture de ce passé imaginaire, impression confirmée par la construction répétitive du générique, la voix-off du héros rappelant sa situation, comme un refrain. L’effet de mise en abyme télévisuelle accentue le caractère réflexif et initiatique des deux séries.

Je me propose d’étudier comment cette mémoire populaire littéraire, musicale et télévisuelle, associée au patrimoine de l’enfance, sert de clé interprétative dans deux séries où le secret et le mystère, générateurs du suspense, fondent un discours élégiaque problématique, dans lequel la mort devient un nouvel Eldorado.

Je m’intéresserai aux scènes de détournement des émissions pour la jeunesse de la BBC « Play School », « Blue Peter », « Camberwick Green », « Rainbow » et sa marionnette Zippy. Je porterai également une attention particulière au personnage de Gene Hunt, figure parodique du Cowboy des westerns que le personnage affectionne, dont le rôle de psychopompe et le surnom de « Mancunian lion » le rapproche à nouveau des récits pour la jeunesse (on pense au lion Aslan de Narnia). Je conclurai en comparant la fin de Life on Mars avec celle de sa version américaine, offrant deux perspectives culturelles et idéologiques radicalement opposées. Haut de page


Belloï Livio, « Échos en série : formes et enjeux de la réplique dans The Wire (HBO, 2002-2008) »

En termes de construction scénaristique, The Wire (2002-2008), série créée par David Simon et Ed Burns, s’inscrit exemplairement sous le signe de la « complexité narrative », trait que le théoricien Jason Mittell tient pour définitoire de l’écriture sérielle américaine contemporaine. De manière à la fois paradoxale et emblématique, la reprise constitue, dans The Wire, l’une des modalités cardinales de cette complexité.

Obéissant à une structure cyclique, The Wire déploie en effet un réseau complexe d’échos en série, subtiles assonances qui, le plus souvent, ne se laissent percevoir qu’après plusieurs visionnements et qui, en tout état de cause, misent à plein sur la mémoire du sujet spectatoriel.

À titre de principe structurant, ces rimes internes affectent jusqu’aux tours de paroles assumés par les différents personnages. Tout au long de The Wire en effet, les dialogues sont ainsi conçus que les mêmes répliques se voient prononcées par des personnages distincts, tantôt dans le cadre d’un même épisode, tantôt entre deux épisodes d’une même saison, tissant par la parole des liens inattendus entre les différents milieux explorés (forces de l’ordre, institution scolaire, crime organisé, coulisses du jeu politique, etc.).

Ma communication se propose d’étudier au plus près, dans toute leur diversité et dans leurs multiples enjeux, ces phénomènes de reprise intratextuelle (ou auto-reprise). En eux, il convient de discerner, non une maladresse d’écriture ou la marque d’une paresse énonciative, mais plutôt l’expression, en condensé, d’une véritable vision du monde, attentive aux homologies et aux récurrences. Avec The Wire, en somme, la notion de réplique prend tout son (double) sens – élément de dialogue et fait d’itération. Haut de page


Crémieux Anne, “Rich Dykes from L.A. are called Lesbians”

“Have you ever thought about suing The L Word crew for stealing so many of your ideas?” writes DeLandDeLakes on the blog of Alison Bechdel, the creator of Dykes to Watch Out For. Another blogger described DTWOF as “The L Word, in comic strip form, before The L Word ever existed.”

I would like to present how The L Word does indeed share quite a few traits with DTWOF. Both series portray a group of lesbian friends who live the lesbian life, speak about and experience such community events as gay pride or lesbian cruises, have babies through artificial insemination, and famously set up charts to keep track of reported sexual encounters. In both cases, the serial form allows for strong identification with diverse characters, who present conflicting takes on gender and sexuality, personal and political ethics. One major element, however, is the medium and the audience range it implies. As a comic strip published exclusively in underground, queer magazines, Bechdel’s series never reached the mainstream audience The L Word had to seduce to survive its first season on Showtime. I will show how the two series offer different approaches to American late 20th c. early 21st c. lesbian culture, showing how targeting a much broader TV audience might have resulted in a slightly different depiction of how women navigate their gender and sexuality to self-identify as lesbians, rather than dykes. Haut de page


Canjels Rudmer, “‘I have seen that face before.’ Vidding: Love, hate, memory and appropriation on the remixed television screen”

This presentation will deal with the celebration, reinterpretation of and confrontation with mainstream media culture and seriality through the practice of vidding. Vids, or fan-created music-videos made from footage of (mostly) television series, have been made for a long time. In the 1980s they were produced with consumer VCR’s, now it has become an international phenomenon through digitization, cheap editing software and computers, fan websites, and special festivals.

Vidding is a re-mix celebration by fans of their beloved television series, their characters, storylines, and visual tropes. Images from television-series are edited with a carefully selected song that together drive the narrative or focus of the point the fan wants to make. Both well-known characters as well as supporting or minor characters obtain their momentum in these vids as relationships and storylines (including alternative timelines) are investigated. Quite often images from other shows or films are borrowed and reworked into the vid, creating new tensions and opening up new worlds (combining for instance the world of Highlander with that of Xena). Vids can comment and criticize as well: for instance on the repetitive nature and structure of the television-series itself, or on its racist, homophobic, misogynic, or other stereotypical portrayal of characters. Though meant to be consumed within the fan community, sometimes these vids break out onto Youtube and become well-known, creating different tensions of interpretation and appreciation.

For my presentation I will focus on how fans and their vids make use of and deal with the seriality of a television-series. How the seriality with its recycling of stereotypes and clichés is commented on by fans, how seriality is integrated into a new rhythm, but also how specific serial tropes are used within the fan community and understood of as a given: as knowledge the fan should know. Haut de page


Crome Andrew, “Canonicity, Heritage and Reaction in Doctor Who: Engaging, confronting and re-imagining the past in twenty-first century Britain

The revival of British science fiction series Doctor Who (2005-present) has met with significant commercial and critical success. Although the “classic” series (1963-89) had become synonymous with low production values and poor special effects, the highly funded revival actively embraced its ancestry. Making use of repeated musical cues, iconic monsters from the 1960s and 70s and actors from the original series, the revised Doctor Who attempted to forge active links with its past, playfully exploring its own “canonical” history. As the new series developed, producers were increasingly confident in making use of obscure elements from the show’s history and of engaging with these in an often ironic (but always affectionate) deconstruction of the classic series.

This paper examines the way in which these engagements with the past have evolved and the growing confidence producers have displayed in re-imagining the show’s mythology. This re-engagement with the past was part of a wider project of Britain attempting to understand its own position in the twenty-first century world through a nostalgic impulse – seen on television through the revival of a number of “heritage” franchises such as Come Dancing and Survivors. The way in which Doctor Who attempted to comprehend its own history and both re-use and re-invent its sixties and seventies heritage can thus be used as a lens through which to examine the way in which the UK as a whole has attempted to come to terms with its recent past. In particular, this paper looks at the way in which Doctor Who has been used to present mythic ideas to a “post-secular” and “post-imperial” nation, examining what the cultural heritage that has been expressed within the programme suggests about Britain in the twenty-first century. What does Doctor Who’s engagement with its own rich “canonical past” (and fan reactions to this) suggest about Britons’ engagement with their own cultural heritage? Drawing on the work of Callum Brown, Hugh McLeod and theological reflections on nostalgia by Graham Ward, this paper adds to the debate on both the re-invention of television franchises and understandings of Britain’s recent past.
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Deroide Ioanis, « Empreintes et emprunts : écho et reprise dans Empreintes criminelles »

Les héros d'Empreintes criminelles (France 2, 2011) sont les enquêteurs d'une police scientifique balbutiante dans les années 1920. Ils cherchent laborieusement des indices, des traces, particulièrement sur les cadavres des victimes. Les téléspectateurs, eux, n'ont pas à se donner tant de peine pour identifier, sur le corps visuel et scénaristique de cette courte fiction, les marques laissées par l'histoire des séries et par l'histoire tout court. Autant d'empreintes qui l'inscrivent dans un triple héritage.

Le plus évident est celui de la franchise CSI (CBS, 2000-) : l'emprunt concerne ici autant le genre de fiction télévisée qu'une certaine grammaire visuelle. CSI n'est cependant pas le seul parent formaliste d'Empreintes criminelles : la nouvelle venue tente aussi de s'inscrire dans une lignée de films et de séries qui, de Moulin Rouge à Maison close, propose depuis le début des années 2000 un traitement du XIXe siècle et du premier XXe siècle inspiré du clip et du spot publicitaire. Dans les deux cas, l'emprunt est évident, l'empreinte est en relief.

Le deuxième héritage forme au contraire une empreinte en creux, celle laissée par Les Brigades du Tigre (Antenne 2, 1974-1983). Une série patrimoniale de la télévision française qui, tout en présentant avec Empreintes criminelles des similitudes évidentes, s'en éloigne autant que possible notamment en ce qui concerne le profil des personnages et le sous-texte idéologique.

La troisième empreinte est celle de la mémoire des années 1920, moins familières aux téléspectateurs français ou anglo-saxons que les périodes qui l'encadrent mais qui ont entamé avec Boardwalk Empire (HBO, 2010-) un retour en grâce que pourraient confirmer, dans des épisodes à venir, des productions comme Downton Abbey (ITV1, 2010-) et Miss Fischer's Murder Mysteries (ABC1, 2012-). Ce que retient Empreintes criminelles de ces « Années folles » montre assez, on le verra, quel regard elle porte sur l'histoire.
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Du Verger Jean, « Échos et remake dans les séries télévisées des années 1960 à nos jours »

Depuis les années 1960, les séries télévisées françaises, britanniques et américaines proposent aux lecteurs-spectateurs des scenarii reposant souvent sur un jeu d’échos et de références intertextuelles voire intra-textuelles, jeu fondé notamment sur l’interpicturalité, la citation verbale ou visuelle ou le ré-emploi d’un/e acteur/actrice – nous pensons ici tout particulièrement au personnage récurrent du méchant. Séduisant leurs spectateurs en jouant sur leur mémoire, les scénaristes tissent ainsi une toile de références implicites ou explicites qui contribuent à l’élaboration d’un monde fictionnel dans lequel chacun peut puiser des références culturelles communes. Au cours des années 1970, l’une des sources d’inspiration a été la production cinématographique. A partir des années 1990, ce fut le tour des séries télévisées des années 1960 et 1970 qui devinrent à leur tour, à l’orée du nouveau millénaire, une source d’inspiration pour l’industrie cinématographique.

Notre communication se propose de donner une définition de l’écho dans le cadre propre à la série télévisée afin d’en mieux comprendre le sens, et ce, avant d’ébaucher une taxinomie de l’écho dans les différentes séries étudiées. Cette classification devrait pouvoir nous aider à déchiffrer le rôle et le fonctionnement de l’écho dans la structure même du scénario (Batman, Les Mystères de l’Ouest, Hawaï police d’état, Mission impossible, Chapeau melon et bottes de cuir, Les Compagnons de Baal, Fantômas, Profit, South Park, Dr House, M.D., NCIS). Puis, nous examinerons la question du remake à travers l’étude d’un certain nombre de séries télévisées (Voyages au fond des mers, Le Prisonnier, Les Mystères de l’Ouest, Hawaï police d’état, L’Age de cristal, La Planète des singes, Kung Fu) afin de savoir si échos et remake sont, d’une certaine manière, les reflets d’un même processus narratif et culturel. Haut de page


Gatefin Éric, « A l'intérieur de Seinfeld : la sitcom Jerry »

L’arc narratif principal de la saison 4 de Seinfeld, diffusée sur NBC, consiste en une mise en abyme de la création du show. Celle-ci s’intègre en fait dans un processus transgressif global. L’écriture de Seinfeld repose en effet sur une dénonciation sans concession des conventions sociales, des dogmes moraux mais aussi des codes télévisuels liés aux sitcoms. Cette dénonciation s’opère sur le mode de la charge. Montrer ce qui échappe en principe au regard, tel semble être le projet des scénaristes qui, dans leur entreprise de démystification des tabous, incluent les mécanismes de production de la sitcom Seinfeld.

Les étapes de création du show présentées dans la saison 4 font l’objet d’un traitement corrosif. De l’absence fondamentale d’idées de la part des personnages soi-disant créatifs aux pitchs douteux, en passant par une négociation financière peu reluisante, la série avance cahin-caha vers sa création. Au-delà des soubresauts qui conduisent de la rencontre avec NBC à la diffusion d’un épisode, le caractère provocant de la mise en abyme vient principalement du concept arboré fièrement par le personnage de George : « a show about nothing », concept qui met au premier plan la démarche critique et démystificatrice de la série. 

Loin de figurer comme une astuce scénaristique, l’arc narratif relatant la fabrication du show exhibe au contraire la volonté de déconstruction à l’œuvre tout au long de la série. Il entre également dans un jeu d’échos au sein d’une sitcom qui fait de l’auto-référence son mode de fonctionnement principal. Ainsi, les étapes qui conduisent à la réalisation du pilote s’articulent aux questions sexuelles traitées dans plusieurs épisodes : la virginité, la masturbation, la frustration, l’homosexualité et l’impuissance. De manière directe ou implicite, la création et les pulsions sexuelles des personnages interfèrent et s’éclairent entre elles. Haut de page


Génot Pascal, « Approche socioculturelle et gender d'une série télévisée française ‘à l'américaine’ : Mafiosa » 

Devant le succès des « néo-séries » télévisées américaines, une « directive de production » et un « cadre d’interprétation » (J.-P. Esquenazi) s’établissent en France : faire et voir « nos » séries selon leur capacité à égaler leurs homologues anglo-saxonnes. Mafiosa, série criminelle de Canal Plus, se situe dans ce contexte. Visant le marché national et international, distribuée dans plus de soixante pays, elle compte trois saisons de 8x52minutes depuis 2006, une quatrième à ce jour en postproduction, une cinquième en production. C'est un cas remarquable pour étudier l’intertextualité et l'interculturalité d’un essai de culture mainstream « à la française ». Avec pour argument narratif : « Une femme à la tête d'un clan mafieux corse », cette série opère par sampling et mix. Elle reprend de la littérature française du XIXe siècle – notamment de Colomba (Mérimée, 1840) –, le stéréotype d'une Corse violente, combine ce stéréotype à des éléments du traitement médiatique actuel de l'île, ce tout en se référant à une série américaine « culte », Les Sopranos (HBO). L’argument de la série – comme son slogan marketing : « Mafiosa : l'homme le plus dangereux de Corse est une femme » – favorise une approche gender des représentations filmiques (G. Sellier). La construction genrée des personnages participe-t-elle, dans Mafiosa, d’un réinvestissement stratégique des médiacultures américaines ? La question sera approfondie à partir d'un personnage de la Saison 2 : Dumè, jeune corse délinquante et lesbienne masculine de style hip-hop, reprise en « clin d’œil » par les auteurs (le réalisateur Éric Rochant et le scénariste Ange Leccia) d'un personnage « black » de la série The Wire (HBO, encore), Spoon. De Baltimore, Maryland, à Bastia, Haute-Corse, de quoi et comment « nous » parle Spoon/Dumè, dissidence de genre ethnicisée ici, racialisée ailleurs ? Haut de page


Harlap Itay, “Waltz with Trauma: Disremembering and Seriality in the Israeli Television Serial Parashat Ha-Shavu’a

This presentation will compare two texts – a feature film and a television serial – which deal with the traumatic effects of the Lebanon Wars on Israeli society. It will show that despite the similarities, the two texts are profoundly different, mostly in their narrative structures.

The first text is the Israeli television serial Parashat Ha-Shavu’a (HOT 2006-9). It dealt with the effects of the 2006 war between Israel and Lebanon on the characters in the serial and chiefly on Sha’ul Na’wy, a veteran of the earlier 1982 Israeli-Lebanese War. Whereas the other characters in the serial are concerned with present threats, Sha’ul is plagued by nightmares, hallucinations, and memories from the 1982 war and particularly from one central incident which he has repressed and in which he witnessed a wrong perpetrated by another Israeli soldier.

Parashat's head writer, Ari Folman, was also the director of one of the decade’s most important Israeli films, Waltz with Bashir (Ari Folman, 2008). As in Parashat, here too the protagonist remembers, or rather disremembers to borrow a term from Janet Walker, a traumatic event belatedly (Caruth); and here too the protagonist “finds himself” witnessing a wrong committed against others. But, whereas in the film Waltz, a solution is ultimately discovered and the post-traumatic experience ends in closure if not outright healing, Parashat, as a serial, features “a Subject in the Narrative without End” (Archer), and even after the “riddle” is solved, the traumatic event continues to haunt Sha’ul, inter alia through characters and events that are ostensibly unrelated to the trauma.

Moreover, while Waltz, despite its anecdotal character, is a “goal-driven” film, in which most of the scenes serve its resolution (Neupert), Parashat is a “menu-driven” (Altman) serial, which connects its scenes associatively and paradigmatically. The serial can therefore separate the ramifications of the traumatic event and the event itself, or in Thomas Elsaesser’s terms, separate “psychic temporality and linear chronological time.”
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Hatchuel Sarah, « Sorties de rêve : la négociation de la reprise post-onirique dans quelques séries télévisées américaines »

Il s’agira d’étudier comment la plupart des séries télévisées feuilletonnantes contemporaines (Desperate Housewives, Dexter, Flashforward, Lost, Six Feet Under, True Blood…) intègrent leurs propres plis hypothétiques dans des séquences de rêve, de coma, de prescience et de fantasme et de s’interroger sur les différentes stratégies qu’elles adoptent pour négocier la « reprise » post-onirique, le retour à la « réalité » et à la trame narrative principale.

Si certaines séries prolongent la « poétique » d’un certain cinéma classique en signalant le rêve par des procédés formels et intertextuels prononcés (surexpositions, références à d’autres œuvres ou genres), d’autres séries opèrent dans la négation du rêve figuré comme tel. Ces séries brouillent alors rêves, fantasmes et « réalité » en n'annonçant que rarement l’entrée dans la construction/création mentale : les séquences commencent souvent in medias res, sans esthétique particulière et peuvent durer suffisamment longtemps pour que les spectateurs aient le temps de s’interroger sur le statut narratif des séquences. Ces dernières se signalent avant tout par un contenu diégétique transgressif explorant les limites idéologiques (situations « taboues » ou impensables dans la vie « réelle »), entretenant les ambiguïtés et présentant résolument les séries télévisées comme des sites de négociations culturelles et politiques.

L’absence fréquente de décalage esthétique entre rêve et « réalité » construit un emboîtement métafilmique complexe et suscite une réflexion sur le dispositif scénaristique dans son ensemble. Dans un récit au long cours qui compte plusieurs saisons de plusieurs épisodes (en opposition au film de cinéma), les séquences de rêve peuvent ainsi donner corps aux « ratures » du scénario, aux embranchements narratifs et aux versions alternatives que les scénaristes ont choisi d’abandonner ou auraient (justement) rêvé d’intégrer à la trame principale. Haut de page


Houdiard Jennifer, « Échos lointains pour reprise dissonante : la série catalane Infidels »

La série Infidels (TV3, 2009-2011), diffusée sur la chaîne catalane ainsi que sur internet durant trois saisons, était attendue comme une sorte d'adaptation de séries « féminines » américaines telles que Sex and the City (HBO, 1998-2004) ou Desperate Housewives (ABC, 2004), notamment avant sa diffusion, lorsque journalistes et téléspectateurs ne connaissaient la série qu'à travers la sulfureuse campagne de promotion imaginée par la société Diagonal TV. Cependant, une fois les premiers épisodes diffusés, Infidels fut rapidement reconnue comme une production originale, à double titre. En effet, loin de se limiter à transposer au cadre barcelonais des fictions télévisées venues des États-Unis, les scénaristes avaient réussi à concevoir une fiction « maison » de qualité, fidèle à l'esprit de la chaîne TV3 par son ancrage dans la recréation d'un contexte catalan identifiable comme réel et réaliste par le spectateur. Si des « clins d’œil » aux séries américaines citées plus haut ou à la britannique Mistresses (BBC One, 2008-2010) sont aisément perceptibles, ils se limitent en général au jeu sur l'intertextualité.

Au-delà de l'originalité et de la « catalanité » d'Infidels, les journalistes et critiques ont célébré le traitement profondément novateur des figures féminines et, plus généralement, une remise en question encore inédite des clichés et des rôles traditionnels dévolus aux femmes ainsi qu'aux personnages féminins qui peuplent la grande majorité des fictions télévisées. Les cinq protagonistes de la série ont en commun l'infidélité sexuelle et sentimentale, il est vrai, mais à mesure que les épisodes s'enchaînent, la quête ontologique qui sous-tend la diégèse et lui sert de fil conducteur se révèle de plus en plus clairement : Paula, Lídia, Cruz, Joana et Arlet sont, finalement, infidèles à des rôles prescrits par leur entourage et la société, et ce n'est qu'ainsi qu'elles peuvent devenir fidèles à elles-mêmes.

Je m'appuierai sur une analyse de quelques épisodes d'Infidels, mise en regard avec l'examen de leur réception critique dans la presse catalane, pour tenter de démontrer que la série est doublement bien nommée : infidèle à celles qui l'ont probablement inspirée, de près ou de loin, mais infidèle, aussi et surtout, au nouvel Éternel féminin des médias de masse. Haut de page


Hudelet Ariane, « Refrains et variations : Treme, entre récit, musique et discours politique »

La première saison de Treme (David Simon /Eric Overmyer, HBO 2010-) s’ouvre sur deux intertitres : « New Orleans » ; « Three months after ». Dans les deux saisons diffusées jusqu’à présent, la série nous parle bien d’une reprise : reprise difficile de la vie économique et culturelle, et de la vie tout court après le choc de l’ouragan Katrina, dans la saison 1 ; reprise de la criminalité et des vieux démons de la ville dans la saison 2. C’est cette reprise en tant que principe narratif, musical et politique, que je souhaiterais étudier dans ma communication. D’une part, en montrant que la construction « multipistes » de Treme (des bribes d’existences de personnages du commun, sans « trame narrative » très forte) s’inscrit dans l’un des formats possibles de la forme série, qui tend à faire disparaître la notion de début et de fin, et qui donne l’impression d’un flux, dans lequel nous nous insérons le temps d’un épisode. La maîtrise formelle dans Treme permet de passer d’une ligne narrative à l’autre de manière fluide, épousant ainsi une dynamique que l’on peut qualifier de musicale. En effet, en associant cette construction narrative aux motifs musicaux des très nombreux morceaux qui rythment et accompagnent la série de bout en bout, Treme est aussi et avant tout une reprise des rythmes et des pulsations d’une ville : la musique accompagne les moments forts des vies des personnages, et la construction du jazz autour de mélodies récurrentes sujettes à variation épouse le principe narratif de la série et fait écho à l’intrigue ou au développement des personnages. Enfin, la musique est aussi politique dans Treme : elle marque la spécificité d’une ville qui se ne résout pas à mourir ou à laisser disparaître sa culture. Je m’intéresserai donc à la manière dont ces choix narratifs et esthétiques parviennent à prendre en charge un questionnement politique sur la nature du traumatisme qui a frappé la Nouvelle-Orléans. Bien loin d’être une catastrophe inévitable comme l’ouragan lui-même, l’inondation qui a suivi est, selon les termes de Creighton Burnette (personnage de la saison 1 interprété par John Goodman), « a man-made catastrophe, a federal fuck up of epic proportions, and decades in the making. » Treme ambitionne, elle aussi, une reprise en main du récit d’un fait réel et de ses conséquences humaines, bien loin d’une représentation médiatique ou politique stéréotypée. Haut de page


Kulle Daniel, “Superman between Seriality and Transmedia Storytelling: The Dialectic of centrifugal and centripetal methods of text production”

How do serials of Superman work in face of its cultural legacy? The history of the Superman character, which started in 1938 with the first publication of DC’s Action Comics, has since spread across various media and stories. Indeed, the Superman venture has, from its very beginning, been one of transmedia storytelling as described by Henry Jenkins, told not only in comic books but also in novels, radio, cinema and television.

Television serials such as Lois & Clark (ABC, 1993-1997) and Smallville (The WB/The CW, 2001-2011) have to face this immense legacy of more than 50 years of transmedia storytelling while weaving their own seriality. And even more: as cultural texts driven by economical pressures of the American television market of the last two decades, both serials use strategies of tie-ins, web episodes and other strategies of transmedia storytelling to multiply entry-points into the franchise.

The proposed paper will analyze this complex dialectic between centrifugal and centripetal methods of text production: narrative strategies that bind together a single, coherent episode – strategies of seriality that construct a serial as a dramaturgically distinguishable entity – strategies that create a economically distinguishable franchise with tie-ins and spin-offs – and strategies that destabilize the serial by referring to the transmedia story complex of Superman all work together to construct a complex text (or fail to do so). By comparing two Superman serials from two different decades and two different media enterprises various ways of constructing a more or less coherent text and various interferences, interactions and perturbations can be observed. The paper will thus shed some light onto the interactions between seriality, intertextuality and transmedia storytelling.
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Lefait Sébastien, “Through The Wire: The Avon Barksdale Story”

Released exclusively on DVD in 2010, The Avon Barksdale Story is the first and only instalment so far of a series of docudramas called Baltimore Chronicles: Legends of the Unwired. As its title indicates, the film claims to tell the real events in the life of Baltimore drug kingpin Nathan “Bodie” Barksdale in order to expose his near namesake from HBO’s The Wire (2002-2008), Avon Barksdale, as a fictional persona. Structured around an interview of the real Barksdale by the actor impersonating him in the series, The Avon Barksdale Story presents itself as a corrigendum or as a right of reply. This so-called critical reading thus aims to debunk The Wire as a distortive rewriting of events. The film’s title, however, paradoxically acknowledges that it tells and perpetuates the legend of Avon, Nathan Barksdale’s fictional counterpart, despite the fact Nathan declares he always resented the nickname “Avon”. Besides, even though The Avon Barksdale Story sets out to restore the reputation of the historical gangster by seeing through The Wire, it also borrows, at regular intervals, the typical style of David Simon’s program. Consequently, while the docudrama claims to tell the real stories from which The Wire is freely inspired, it is itself loosely based on the fictional stories told in the show.

Through a comparative analysis of sequences from The Avon Barksdale Story and extracts from The Wire, this paper purports to identify a specific type of TV series derivative, a hybrid form of remake I suggest to call the “alternative make,” and to investigate its role as an analytical instrument. As a matter of fact, the mechanics of this “counter-Wire” indirectly informs the nature of David Simon’s study of social reality through the narration of semi-imaginary life stories, and The Wire’s unique approach to fact through fiction.
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Ludot-Vlasak Renan,  «What's i a name?» : the circulation of Romeo and Juliet in Cold Case (en attente)
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Marcucci Virginie,  « La reprise jubilatoire : Glee et la reprise comme outil queer »

Arrivée sur les écrans de la très conservatrice Fox, la série Glee connaît depuis 2009 un grand succès. Un des éléments de ce succès tient sans aucun doute à la reprise d’un format particulier, celui de la « teen series ». Non seulement ce format implique la reprise d’un certain nombre de lieux (le gymnase, la cantine, le couloir avec les casiers) mais également celle de personnages (la pom-pom girl, le joueur de football américain, la brute, le lycéen gothique, le lycéen provenant d’une minorité ethnique, les professeurs tyranniques) ainsi que de passages obligés (scènes dans les vestiaires, match de football américain...). La reprise du format aboutit ici à celle d’un certain nombre de codes à la limite du cliché (avec ce que cela peut impliquer en terme d’idéologie conservatrice). Comment expliquer alors que, malgré cette reprise, Glee puisse être lue comme une série subversive et progressiste ?

Un élément de réponse est la composante comédie musicale qui permet la reprise de chansons par la chorale des lycées (le « glee club » dont il est question dans le titre), chansons provenant d’univers très variés qui servent généralement le propos de l’épisode, permettant aux élèves d’apprendre ou d’exprimer quelque chose sur eux mais permettant également des moments de révolte idéologique et de subversion de l’ordre établi.

On étudiera alors, dans le cadre théorique des « queer studies » et en se fondant sur la notion de subversion telle que J. Butler la définit (« subversion of an order from within »), le rôle ambigu de la reprise et son aspect polyvalent puisque ce concept opératoire peut tantôt servir à créer un univers rigide et normé (« straight ») par la reprise de clichés et lieux communs, tantôt permettre de le subvertir (et de le rendre « queer ») grâce, notamment, à la théâtralité « camp » permise par la mise en scène de reprises musicales. La reprise devient alors facteur d’oppression comme de libération dans une série qui permet de mettre au jour tout ce que ce concept a de contradictoire et donc de fécond.
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Marolleau Émilie, « Réappropriation et intertextualité dans la web-série Girltrash »

Ces dernières années ont vu l’apparition d’un phénomène de plus en plus populaire, les web-séries : des productions audiovisuelles au budget généralement limité, réalisées par des amateurs ou bien par des professionnels, et diffusées exclusivement sur internet.  La prolifération des web-séries peut être interprétée comme un phénomène appartenant à la « culture participative », dans laquelle les spectateurs ne sont plus des consommateurs passifs de séries mais au contraire participent activement à la production des séries, en se regroupant souvent en communautés autour d’un projet.

Cette présentation portera sur la web-série intitulée Girltrash, réalisée par Angela Robinson et mise en ligne à l’origine sur  le site ourchart.com, un site rassemblant une communauté de spectatrices réunies autour de la série The L Word. Le but du site était d’offrir  aux spectatrices la possibilité de s’exprimer sur The L Word et d’autres séries télévisées, de participer à la rédaction du scénario d’un épisode (le « fanisode »), mais aussi de publier des« fanfictions ». Ces productions avaient pour point commun la problématique de la visibilité lesbienne et avaient pour objectif d’examiner, d’interroger, voire de remettre en question les images diffusées dans les séries télévisées, y compris dans The L Word. C’est dans ce contexte qu’est née la web-série Girltrash, une série de fiction au ton décalé qui met en scène la vie de deux jeunes femmes et raconte leur démêlés avec le monde criminel de Los Angeles. L’objectif de cette présentation est d’expliquer comment la web-série crée une relation de connivence avec ses spectateurs/ spectatrices. Il s’agit d’analyser, tout d’abord, comment Girltrash se réapproprie et « queerise » les codes des films de gangsters, tout en reprenant les conventions des séries télévisées. Il convient également de démontrer en quoi le jeu des références intertextuelles de la web-série permet de s’adresser directement aux spectatrices et encourage leur investissement dans la série. Haut de page


Michlin Monica, “Recurrence, Remediation and Metatextuality in Queer As Folk

This paper shall examine how recurrence functions diegetically within the series Queer As Folk (Showtime, 2000-2005), and how certain motifs or variations on the same events are deliberately woven into the narrative, often at strategic points (in end-of-season cliffhangers, for instance). Because these are “charged” elements within the “soap opera” framework of the series and within its political (gay) discourse, it is hardly surprising that they are also reprised in a series of inset remediations (comics, theatrical show, Hollywood film). This intermediality can be read as a form of centrifugal “hypertext” and multiplatform storytelling, and, obviously, as the series’s metatextual image for itself. What this paper shall try to show is that while this form of “mise en abyme” of the series itself, in remediation, is often a symptom of entropy (cases in point: the inset film in The L Word Season 5 or the inset medical soap in Nip/Tuck Season 5), QAF in this respect resembles Heroes, in that the remediations seem part of its core message and originality. Far from weakening the series, they allow it to articulate more subversive messages, thus highlighting the queer subtext in established mainstream popular culture genres (comics, action hero films) and obviously reinforcing the main effect of the series—the queering of soap itself. Haut de page


Pichard Alexis, « Relectures, réécritures, réinventions : Charmed ou l’art du recyclage postmoderne »

Médium populaire et postmoderne par excellence, la télévision a eu bien des difficultés à façonner sa légitimité artistique. Si elle est proclamée huitième art dès le début des années 1960, il faudra attendre quelques décennies avant de pouvoir parler de la télévision comme d’un objet culturel à part entière. Cette légitimation aura sans doute été notamment favorisée par le développement des séries télévisées. Car, en se parant d’audaces grandissantes et en se faisant l’écho – voire le critique – de l’actualité, elles sont parvenues à concurrencer le cinéma. Mais c’est surtout en développant un système d’inter-référentialité et d’intertextualité qu’elles ont réussi à se construire comme objets culturels. Elles ont établi un système de références partagées, sans cesse recyclées et renouvelées, se constituant ainsi une véritable identité. La télévision est devenue consciente d’elle-même et se veut à présent entité au sein de laquelle fusionnent tous les genres et toutes les cultures.

Afin d’illustrer ces jeux de reprises et de réinventions, il m’est apparu intéressant d’analyser une série postmoderne, Charmed. Rarement approchée par le monde universitaire, classée à tort comme une série pour adolescents sans prétention, cette série fantastique aura, pendant huit années, multiplié les clins d’œil, les références culturelles avec un traitement souvent amusé ou sous forme d’hommage. Ma présentation s’attardera d’abord sur ce recyclage et ce brassage réguliers de la pop-culture et de la culture « classique » en en décryptant la nature et le rôle. Je m’intéresserai ensuite au fonctionnement de ces opérations transfictionnelles et à la manière dont elles s’intègrent à la structure narrative de la série. Enfin, à l’aune d’autres teen series, je m’interrogerai sur les enjeux socio-économiques d’un tel procédé en analysant, par exemple, comment les chaînes et les annonceurs transforment ces phénomènes intertextuels en outil promotionnel. Haut de page


Schmitt-Pitiot Isabelle, « Comment les séries font une fin : l’épisode 22 de la quinzième saison de ER / Urgences et l’épisode 21 de la sixième saison de Sopranos »

Comment, après plusieurs saisons comptant de nombreux épisodes, les séries télévisées prennent-elles congé des spectateurs avec lesquels se sont tissés les liens particuliers à leur nature sérielle ? Certaines s’interrompent faute de moyens et/ou d’une « audience » suffisante, mais la plupart programment leur propre fin. Dès lors, on peut se demander de quelle manière les séries amènent l’univers qu’elles ont créé à se clore. En particulier, on étudiera comment les fils narratifs sont repris et noués, et comment les échos des saisons et épisodes antérieurs résonnent une ultime fois.

Cependant, au-delà de l’étude des reprises et échos possibles marquant ces épisodes de fin, nous nous poserons la question de l’éventuelle survie de la série et de sa réverbération future dans la mémoire des spectateurs. Pour ce faire, nous avons choisi de comparer les épisodes terminaux de deux séries, ER et The Sopranos, dans la mesure où les différences foncières entre elles devraient permettre d’isoler des points communs qui pourraient bien constituer des caractéristiques de la manière dont les séries mettent en scène leur fin.

Série vouée au soin, au « care » dans toutes ses acceptions, ER ménage à l’extrême les spectateurs dont elle prend congé de manière fort classique en faisant revenir sur scène plusieurs de ses personnages les plus emblématiques. Ces derniers sont clairement là pour des adieux mais ils nous laissent volontiers leur imaginer un avenir. En revanche, la conclusion de The Sopranos fut souvent perçue comme brutale. Cette brutalité en accord avec la violence qui caractérise la série est néanmoins contredite par l’ultime séquence de l’épisode, qui réunit Monsieur et Madame Soprano et leurs deux enfants pour une scène d’apparence banale qui semble nier l’idée même de fin et laisse envisager une forme de continuité.

 En d’autres termes, les dernières images de la famille Soprano ou du personnel du Cook County Hospital orchestrent une cérémonie des adieux à la mesure de deux séries qui, en dépit des apparences, se rejoignent au moment ultime pour construire un écho qui résonne pour longtemps dans la mémoire de leurs spectateurs. Haut de page


Sepulchre Sarah, « Les constellations sérielles. Que font les lecteurs des adaptations multimédiatiques des séries télévisées ? »

Depuis toujours, les séries télévisées ont fait l’objet de multiples adaptations (novellisation, films, merchandising, bande dessinées, etc.). Alors que d’aucuns prédisaient la mise à mort de la télévision par internet (Negroponte, 1990 ; Gilder 1994), il faut plutôt constater que les deux médias sont complémentaires (Sepulchre, 2011). Ce sont de véritables constellations narratives multimédiatiques qui sont aujourd’hui proposées.

Ces constellations ont pour particularité d’être multi-médias (texte, photographie, vidéos…) et multi-genres (jeux, blogs, récits narratifs…), simultanées à la diffusion télévisuelle (du moins aux Etats-Unis) et de rendre obligatoire la participation du spectateur (Sepulchre, 2011). Le lecteur est central dans la construction du récit car c’est lui qui rassemble les fragments et, plus fondamentalement, c’est son expérience qui donne forme au monde narratif.

Cette communication sera l’occasion de réexaminer les théories à partir du lecteur afin de démontrer qu’il est la seule instance qui permet de penser ces constellations comme des récits. Nous tenterons ensuite de comprendre ce qui est en jeu dans la spectature de ces constellations narratives. Les théories de la convergence culture (Jenkins, 2006), de la nouvelle lecture (Gervais, 2007) et de l’appropriation culturelle (Dumais, 2010) permettront de conceptualiser l’expérience narrative faite par les spectateurs. Cette partie théorique sera complétée par des entretiens avec des téléspectateurs afin de cerner les pratiques et usages réellement activés face à ces récits multimédiatiques. Haut de page


Spalding Andréolle Donna, “Echoes of the War on Terror in Battlestar Galactica (2004-2009)”

The television series Battlestar Galatica was originally created in 1978 by Glen Larson and re-imagined by Ronald D. Moore first as a mini-series for the SciFi channel in 2004 before being developed to include 73 episodes over 4 seasons. It marks a return to a resolutely militaristic form of science fiction which can perhaps be best understood if one is to reflect on how the series resonates in the context of “post 9-11” America.

While some of the echoes of American culture are obvious to the viewer, such as the “federation” of colonies (twelve plus the missing thirteenth colony of Earth), other elements of the story arc can be perceived as indirect references to the War on Terror and/or the actual attacks of September 11th 2001. One such visual is in the opening credit scene of all four seasons: the moment when Six protects Balthar from the nuclear explosion on Caprica, with the blast arriving horizontally through a pane-glassed façade, reminiscent of what victims must have seen in the World Trade towers as the planes hit. Another visual shown occasionally in all 4 seasons but more often in Season four is the wall of commemoration on the battleship, again bearing a striking resemblance to the wall in New York City mourning the lost and the missing in the days following the attacks.

Beyond these specific references which will of course be treated in the paper, the study will attempt to analyze how the concept of the “Other as Us,” characterized by the physical appearance of the Cylons (not to mention their origin as creations of humanity) creates not only a permanent form of paranoia –fundamental to the scenario itself–  but more importantly in the viewer, thus transmitting a message of one of the most dangerous aspects of America’s war against terrorists both inside and outside the United States and its toxic influence on the democratic/utopian ideal. This, coupled with an examination of the power struggles revolving around Admiral Adamo, President Lara Roslin and Gaius Balthar, will illustrate the delicate questions the series poses on the United States’ management of a “global” war and its meanings within contemporary America. Haut de page


Tredy Dennis, “Reflecting the Changing Face of American Society: How 1970’s Sitcoms and Spin-Offs Framed Socio-political Discourse and Redefined American Identity”

When looking back at the popular American situation comedies of the 1970’s, one notices a vast network of programs aimed at framing social discourse and at helping America come to term with its own, changing image.  This was done through a restaging of the political and social ills of the generation as comedic teleplays, thereby using laughter as a vehicle to social awareness and to unwitting change or personal growth, and by recycling popular (and unpopular) clichés and stereotypes (the bigot, the racist, the bleeding-heart liberal, the closed-minded conservative, the touchy feminist, etc.) so as to undermine them while appearing to reinforce them.  As this paper will demonstrate, this redefinition was reinforced by, among other things, recycling and confronting opposing and subjective readings of society and of history (such as the treatment of blacks in America, the outcome of the Vietnam War, or the performance of past U.S. Presidents).

The paper will also show how the situations used in these situation comedies were often recyclings and adaptations of lesser known British television programs (as is the case with Norman Lear’s long-running series All in the Family and Sanford and Son), or of landmark films and plays pointing to new social norms (as with Robert Gutchell’s Alice, James Komack’s The Courtship of Eddie’s Father or Neil Simon’s hugely successful The Odd Couple).  One also notes that these recycled and reworked premises were in turn recycled and reworked into numerous spin-offs, and even spin-offs of spin-offs, thereby weaving a thick network of popular television programming that attempted to depict every facet and variation of the changing face of American society and to help Americans accept that new face while laughing at it.

Thus, long before the ‘water-cooler’ programming of the last twenty years (indeed, some would say before there were even water-coolers), television comedies reflected, framed and fed social discourse.  As a closing point, it will be interesting to discuss how this 1970’s approach has evolved and to show how much contemporary ‘breakthrough television’ owes to the Archie Bunkers, Fred Sanfords and Mary Tyler Moores of the 1970’s. Haut de page


Tréfousse Marie, « Les Amorces : échos stylistiques et narratifs »

Afin de créer chez le spectateur la nécessité de connaître la suite de la fiction, les feuilletons – outre l’utilisation du suspense – mettent en place une manipulation très précise, presque mécanique, fondée sur la redondance si souvent reprochée au genre. Dans Éloge de Monte-Cristo, Umberto Eco écrit : « on découvre que les horribles intempérances stylistiques [les redondances] sont, certes, des « chevilles », mais qu’elles ont une valeur structurale, comme les barres de graphite dans les réacteurs nucléaires, ralentissant le rythme pour rendre nos attentes plus lancinantes, nos prévisions plus hasardeuses ».

Par l’étude d’un cas particulier de redondance, l’amorce, j’espère établir comment les auteurs de feuilletons télévisés manipulent nos attentes et nos prévisions. L’amorce fait partie des procédés d’anticipation, sa fonction est de préparer et d’engager la suite. Cette « préparation », constituée d’une seule ou de plusieurs amorces, a la forme d’un écho, mais un écho « à l’envers », l’information la plus forte étant la dernière.

Il est possible d’amorcer du texte comme il est possible d’amorcer un événement. Je propose d’étudier dans un premier temps les amorces de texte, fins de répliques rendues prévisibles par des figures de style (parallélisme, réduplication, polyptote…), dont la fonction première est de flatter l’intelligence du spectateur. Ensuite, d’analyser les amorces narratives qui visent à orienter les désirs du spectateur, amorces de courte portée (trouvant leur écho final dans l’épisode), puis amorces portant sur plusieurs épisodes en examinant deux grands classiques : créer le désir que deux personnages entretiennent une relation amoureuse et créer le désir que tel personnage soit l’assassin, ou plutôt « le méchant ». Enfin, je propose d’aborder la question du besoin de confirmation du spectateur, c’est-à-dire ce sur quoi repose tous ces échos, et qui semblerait presque plus fondamental que le besoin d’être surpris. Chaque type d’amorce sera illustré d’un exemple issu de Melrose Place et doublé d’un deuxième exemple issu d’un autre feuilleton afin de vérifier la validité du procédé. Haut de page


Vienne-Guerrin Nathalie, Le Coup du Parapluie : Macbeth et Columbo à Scoland Yard (en attente)
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Wells-Lassagne Shannon,High Fidelity: Adapting fantasy novels to the small screen”

In a recent article in The Atlantic, Alyssa Rosenberg compares HBO series The Game of Thrones to True Blood in an attempt to pinpoint the ways in which the first succeeds where the older series fails. In the end, the author determines that it all comes down to fidelity: Alan Ball’s show has added to the cast and the themes without building a convincing world for them to people, while Game of Thrones has remained true to the GRR Martin novel from which it draws its name, streamlining and adding to the characterization, rather than the character list.

Of course the fact that fidelity is the core issue argued here is ironic for several reasons: not only is it at odds with everything that adaptation theory has argued for decades, historically filmmakers originally turned to less “high literature” source texts in order to avoid the necessity to be faithful to a text made sacred by the canon, thus spawning some of the more successful if less faithful noir films. Beyond this, Ball himself has argued against fidelity, insisting that as the novel is in the first person, he has to tell everyone’s story, and that he wants readers of the original Charlaine Harris novels to be surprised. As such, I would like to examine the way that each approaches this specific issue of echoes of the source text in the finished product. Ultimately, I will argue that True Blood seeks to increase the echo, by creating a constant distance not only from its source text but also from its characters and the events its recounts. After all, True Blood recounts a world much like our own, that just so happens to be populated by supernatural creatures – by creating various defamiliarizing elements (including invented episodes, but also comic or outrageous effects to distance the viewer from the characters’ emotions), the show creators force us to pull back from the story and consider its implications. Game of Thrones, on the contrary, wants to pull the reader in, minimizing this “echo”: when creating a world more typical of the fantasy genre, with religions, languages, and political hierarchies that are familiar to the characters but not the viewer, a distancing effect would be disastrous to the suspension of disbelief necessary to enter these new worlds. This is perhaps best reflected in the opening credits of the series, where the maps that open Martin’s novel become three-dimensional and take shape before our eyes.

      I will also argue that the “source text” is not singular in either case – the two  series adapt not just a novel or series of novels, but a tradition. True Blood cannot be studied separately from the long tradition of vampire texts equating vampirism with sexuality, and certainly is set up in echo (and contrast) to the more recent phenomenon of teenage vampire romances, where the “messy” aspects of sex (and its inevitable moral and political ramifications) become manifest in the death and gore characteristic of the series. Likewise, Game of Thrones clearly harkens back to that founding text of the fantasy genre, The Lord of the Rings (as well as its film adaptation), and replaces Tolkien’s nostalgia with a voluntarily “gritty” realism, where rape, murder, corruption and general injustice makes it an echo of our own imperfect society. As such, we can argue that though the two series take very different approaches to the idea of fidelity, their end goal seems to be similar: they seek to heighten the viewer’s awareness of the political ramifications of these fantasy worlds, and so acknowledge the echoes to be found in the world outside the television screen. Haut de page

 




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